Synthèse des entretiens avec Lucette Pointet-Ogier, J.C. Ogier, Alain Leprince (mécanicien), Jacques et Marlène Wolgensinger lors des éditions 2006 & 2007 de CitroRacing


© Jean-François Pierre



Au sujet de PL 24 CT


1 – Qu’est-ce qui a amené R. Cotton à engager des 24 CT en rallye, alors que la DS 21 arrivait simultanément ?

- J.C.Ogier : «Je ne sais pas, R. Cotton ne donnait pas d’explications sur ce sujet (ni en général sur le choix des voitures engagées, série ou protos»

- A. Leprince : «Le passé de R. Cotton explique cette décision qui en a surpris beaucoup»

- J. Wolgensinger, évoquant le quiproquo lors des accords Citroën – PL : «Les gens de PL voyaient une planche de salut, Citroën n’y voyait que l’opportunité de fabriquer des camionnettes 2 cv. Courant 65 j’ai été questionné par ma Direction sur ce qui pourrait être fait pour faire repartir les ventes Panhard. J’ai poussé alors R. Cotton à engager la 24 CT en rallye, et j’ai fait des efforts de communication (brochure Delpire, publicités, Agent Citroên, …). Malheureusement comme pour la SM, le réseau n’a pas joué le jeu, et joint à une certaine désaffectation du public pour la mécanique Panhard, cela a entraîné la chute de la marque»


2 – Qu’est-ce qui a amené J.C.Ogier à conduire la 24 CT pratiquement toute la saison, alors que pour les autres pilotes ce fut occasionnel ?

- J.C.Ogier : «C’était la décision de R. Cotton. Là aussi il ne donnait pas d’explications »

- J. Wolgensinger : «C’est parce que Jean-Claude était un acrobate au volant et tirait un maximum du potentiel de la 24»


3 – Où, comment et par qui les 24 CT étaient-elles préparées ?

- J.C.Ogier : «Par l’équipe Citroën. Il faut savoir que le nouveau montage des bielles (JFP : à confirmer car pour moi c’est en Juillet 66. Bagues en bronze dans les pieds de bielles et axes de pistons traités spécialement) a vraiment fiabilisé le flat-twin, qui supportait bien 6300 / 6400 tr/mn. Les seules modifications faites étaient le montage d’une pompe à essence électrique, comme nous commencions à le faire sur les DS à l’époque, et le bandage des barres de torsion pour pouvoir augmenter un peu le régime moteur (confirmé par A. Leprince). Les moteurs étaient simplement sélectionnés et faisaient vraiment 60 ch. Le choix des pneus entre le X, le Kléber V10 et le V10 GT se faisait selon les épreuves, car leur circonférence de roulement légèrement différente permettait de jouer un peu sur la démultiplication finale. Dans l’ensemble le V10 était un peu mieux adapté que le X, il était plus performant et allait mieux avec mon style de conduite souvent en glissade. Michelin était au courant et laissait faire»

- A. Leprince : «Venant de chez Panhard, j’étais très sceptique à l’annonce de la décision par R. Cotton d’engager des 24 au Tour de Corse. Je craignais que ce soit un désastre pour les embrayages et les boîtes. Mais si toute la saison fut une réussite, c’est aussi parce que les voitures étaient hyper bien préparées»


4 – Comment expliquer certaines performances exceptionnelles, comme celle du rallye de Genève devant les DS 21 ?

- J.C.Ogier : «Par sa vélocité en descente, où je doublais beaucoup de concurrents. Quand j’ai descendu pour le Tour de Corse la 24 de l’usine en Corse, j’ai été très impressionné par la vitesse de pointe, mais moins par la tenue de cap. J’ai ensuite découvert en Corse avec enthousiasme la maniabilité de l’auto. La 24 CT avait également une puissance de freinage très importante avec ses 4 disques et double étriers avant»

- L. Pointet : «Je préfèrais la DS où je me sentais plus en sécurité, car en 24 Jean-Claude était en permanence en travers»


5 – Fiabilité : comment l’expliquer ?

- J.C.Ogier : «Dans mon expérience de chef d’atelier de la concession PL de Grenoble où nous vendions 400 voitures par an, ce qui en faisait la plus grosse concession de France, j’avais remarqué que c’étaient toujours les mêmes clients qui n’avaient aucun souci et ceux qui les collectionnaient. Sur nos 24 de rallye la course de débrayage était réglée juste pour permettre le passage des vitesses à la volée, et cela tenait ! Mais il est vrai que je connaissais très bien la mécanique Panhard »


6 – Pourquoi dans sa saison complète (jusqu’en juin) ne figure pas le Criterium Neige et Glace ?

- J.C.Ogier : «J’ai fait le Neige et Glace avec une 24 CT, je me souviens que j’avais refusé d’y participer avec une DS 21 car les disques de freins se fêlaient et avaient créé des accidents graves» (JFP: à revoir, il y a un doute à ce sujet, pour moi il a fait ce rallye en DS 21).


7 – Perception et image : dans le milieu de la course automobile, qu’est ce qui se disait à son sujet ? Etait-elle perçue comme dépassée ?

- J.C.Ogier : «Non, elle était très respectée pour ses performances, ex le temps scratch absolu au Rallye de Lorraine dans la route des Crêtes»


8 – Pourquoi l’arrêt de l’engagement de la 24 dans le milieu de l’été 1966 ?

- J.C.Ogier : « Je pense que c’est lié à mon accident au Mans. Je n’ai repris la course qu’au Tour de Corse, et en DS, mes bras n’auraient pas eu la force physique de conduire une 24. J’ai fait les reconnaissances du Mont Blanc en Juillet avec Lucette et les deux bras bandés. Je pense qu’elle y a participé (JFP : ou G. Verrier à sa place ?) »


9 – Que sont devenues ces 24 CT après la saison de course ?

- Marlène Wolgensinger : « Toutes les voitures, même celles de série, étaient systématiquement données au service destruction. Nous ne voulions pas mettre dans le circuit commercial des voitures qui avaient beaucoup souffert et qui souvent avaient été modifiées. La seule exception a été celle de la DS 21 victorieuse au Monte Carlo (rapidement revendue avec une plus-value par son premier acquéreur précise Jacques Wolgensinger).

- J.C.Ogier : « Je ne sais pas ce qu’elles sont devenues. Ce dont je me souviens, c’est que j’ai acheté un des mulets, qu’en tant que garagiste j’ai ensuite revendu, mais je ne me souviens plus à qui. J’ai également racheté une DS 21 GR 1, que j’ai revendue à un de mes mécaniciens. Je me souviens d’ailleurs qu’il ne me l’a jamais complètement payée ».


10 – Couleur de ces 24 CT ?

- J.C.Ogier et L. Pointet : « Elles étaient bleu ciel »


11 – La 24 CT caisse aluminium, légende ou réalité ?

- J.C.Ogier : « Je suis formel, il y en a eu trois, préparées par PL avec une caisse allégée et une boîte de vitesses spéciale. Pour me remercier de ma saison 66, Panhard m’en a offert une. La cérémonie a eu lieu pendant le Salon de l’Auto, devant peut-être 40 témoins. Paul Panhard lui-même m’a remis la carte grise. J’avais appris que cette voiture ne servait plus au service Essais et qu’elle n’était plus utilisée que pour faire les courses dans Paris. Partant dans la foulée en reconnaissances de rallye, j’ai remis celle-ci à Citroën en leur demandant de récupérer ma voiture. Quand j’ai voulu la prendre, je n’ai rien eu, la voiture avait été détruite »

- A. Leprince : « Personnellement je ne crois pas à cette histoire de 24 en alu. Je n’en ai jamais entendu parler, et à cette époque Panhard ne préparait et ne développait plus de voiture »


Sujets Divers


- J.C.Ogier : « Entre les reconnaissances et les rallyes, nous faisions 150000 km/an. Le rythme était tel qu’il arrivait que nous enchaînions les week end en rallyes »

« Dans mon souvenir les DS Coupés Maroc ont été faits à l’atelier du service course Citroën » (confirmé par Marlène Wolgensinger)

« Les DS allégées avaient une carrosserie en tôle plus fine (ex, celle du Londres Sydney) »

« Aux 24 heures de Spa, nous avions sur les DS 19 un couple long qui nous permettait d’atteindre 190 km/h. Au départ type Le Mans, j’avais mis le contact à l’avance. J’ai eu juste à pousser le levier pour démarrer et engager la première, ce qui m’a permis de partir en tête. En haut de la côte, je me suis fait rattraper par des voitures plus puissantes. L’une d’elles est sortie, fauchant un poteau que j’ai percuté. Fin de la course, avant le premier tour … »

« J’avais été invité par notre distributeur en Nouvelle Calédonie à participer au rallye. Celui-ci était également exploitant de mines et distribuait d’autres marques. Pour les reconnaissances, il avait mis à ma disposition une DS cabriolet … et un avion ! Le jour de la conférence de presse, j’ai mal serré le frein à main, la DS cabriolet a glissé et s’est retournée devant tout le monde ! Je me suis rattrapé en gagnant la course avec une DS Pallas intérieur cuir. Les seules modifications consistaient en une prise d’air extérieure pur le carburateur et une rallonge d’échappement en hauteur pour passer les oueds. J’ai apprécié la bien meilleure étanchéité de la Pallas par rapport à nos DS de course ! »


- J. Wolgensinger, à propos de son intervention à Europe 1 lors du salon de l’auto 1967 « il ne faut pas dire adieu Panhard, mais au revoir Panhard » :

« En disant cela je pensais aux clients de la marque pour lesquels le SAV continuerait d’être assuré par Citroën, à la continuation des véhicules militaires et éventuellement à une possible ré-utilisation de la Marque à valeur indiscutable »